VHP4U1 : Philosophie morale et politique 2 : Descartes, Philosophie morale, L2, S4 (C. Chaffardon)

Philosophie morale et politique 2 : Descartes, Philosophie morale

Clara Chaffardon

Résumé

Ce cours se présente comme une étude approfondie de la philosophie morale de Descartes. Cette dernière ne possède pas l’unité de sa métaphysique et de sa physique, et bon nombre des textes la prenant pour objet ont été rédigés à l’occasion de correspondances, de polémiques. Seul Les Passions de l’âme pourrait faire office de traité moral, ouvrage que Descartes dit pourtant avoir écrit en physicien, et non en philosophe moral ou en orateur. La morale cartésienne ne serait-elle donc que conjoncturelle, dictée par les demandes expresses de ses interlocuteurs plutôt que par sa nécessité dans un système philosophique ? Mais que dire, dans ce cas, de la Lettre-Préface des Principes de la philosophie où Descartes la conçoit comme le dernier degré de la sagesse, aboutissement de la philosophie qui présuppose une entière connaissance des autres sciences ? Une telle morale fait d’autant plus problème en raison de son caractère inachevé : en fait de « la plus haute et la plus parfaite morale » invoquée dans les Principes, nous aurions affaire à une morale provisoire, qui ne vise pas tant à déterminer ce que serait le bien et le mal de manière absolue qu’à expliciter les moyens d’atteindre un certain bonheur, le contentement de l’âme. La morale cartésienne se présente ainsi comme un recueil de maximes, principes d’action permettant la prise en charge de soi et dont le but est la neutralisation des souffrances, indécisions et frustrations. La résolution, comme force d’âme, volonté ferme, et la générosité, comme bon usage du libre arbitre, sont les chiffres de cette morale originale dont nous chercherons à rendre compte au fil de ce cours.

Nous prendrons pour fil directeur de notre propos la question des passions, tout l’enjeu de la morale cartésienne n’étant pas de les supprimer – elles sont, presque toutes, bonnes et utiles pour la vie –, mais d’apprendre à les maîtriser par l’exercice du jugement. La pensée morale de Descartes semble aux prises avec un paradoxe, qu’il nous faudra démêler : d’un côté, l’union de l’âme et du corps nécessite de considérer le pouvoir du corps sur l’âme, d’un autre côté la définition de la volonté comme liberté impose de penser l’âme comme indépendante vis-à-vis du corps. Or, il s’agira de proposer la lecture suivante : la morale de Descartes n’est pas tant organisée autour d’un conflit à résoudre entre raison et passions qu’elle ne se présente comme une réflexion à la fois exigeante et réaliste, prenant en compte la double nature spirituelle et incarnée, libre et déterminée de l’être humain.

Ce cours a ainsi pour ambition d’éclairer les enjeux et problèmes de la morale cartésienne, et de la situer par rapport aux philosophies morales concurrentes de l’époque (par exemple, la théorie hobbesienne des passions), tout en restant attentif au contexte historique : la mode française des maximes, le stoïcisme alors en vogue. Cette morale s’élabore progressivement, au fil de plusieurs ouvrages auxquels nous consacrerons une grande attention. Notre étude débutera dans la sixième Méditation Métaphysique, avant d’aborder le Discours de la méthode dans lequel sont énoncés les maximes d’une morale provisoire, et les Principes de la philosophie où Descartes en appelle au contraire à une morale parfaite. Le cours se poursuivra par l’analyse de la correspondance de Descartes qui explicite sa morale (Lettres à Élisabeth, à Christine de Suède et à Chanut), et se terminera par l’étude des Passions de l’âme, où est décrit le mécanisme des passions.

Bibliographie – Descartes, Méditations métaphysiques, Paris, Flammarion, 2011. – Descartes, Discours de la méthode, Paris, Flammarion, 2016. – Descartes, Principes de la philosophie, Paris, Vrin, 2016. – Descartes, Correspondance avec Élisabeth et autres lettres, Paris, Flammarion, 2018. – Descartes, Les Passions de l’âme, Paris, Flammarion, 1996. – Guenancia, P., Lire Descartes, Paris, Gallimard, 2000, p.201-261. – Antoine-Mahut, D., Descartes : Une politique des passions, Paris, PUF, 2011.