VHP0U2 (2023-2024) : Philosophie des crises contemporaines. La personne, M2, S10 (C. Widmaier)

La personne à la lumière de la cérébralité du psychisme : la recherche d’une troisième voie entre réductionnisme et anti-réductionnisme

Carole Widmaier

Résumé

Nous étudierons les manières dont les représentations de la nature humaine se trouvent modifiées par ce que l’on peut appeler la découverte de la cérébralité du psychisme. Quelles formes l’identité entre processus cérébraux et activités psychiques doit-elle prendre ? Comment repenser à cette lumière les rapports entre le corps et l’esprit ? Quelles représentations l’homme peut-il ou doit-il désormais se faire de son identité ? Et d’ailleurs, y a-t-il quelque chose comme un “avant” et un “après” cette découverte? Quels sont les types de transferts autorisés entre deux approches de l’homme et de sa puissance à première vue hétérogènes ? Il conviendra d’éviter deux écueils majeurs : celui du réductionnisme scientifique, incarné notamment par Jean-Pierre Changeux, qui conduit à lire les formes humaines de l’activité comme de simples expressions, aussi complexes soient-elles, de phénomènes exclusivement matériels et à affirmer la possibilité d’une naturalisation absolue des processus mentaux, et celui de l’anti-réductionnisme, sous la figure de Paul Ricœur, qui vise à sauver l’humanité, essentiellement dans sa dimension éthique, de la domination du discours scientifique, par l’affirmation de la transcendantalité de la pensée. Il conviendra alors d’envisager une troisième voie, exemplairement empruntée par Catherine Malabou qui, faisant du concept de plasticité l’occasion d’un renouvellement de la vision que l’homme a de lui-même, et ancrant sa réflexion dans le champ socio-économique, tire de cette décision philosophique des implications épistémologiques, éthiques et politiques. Cette voie, celle d’un « matérialisme raisonnable », nous permettra d’interroger les conditions d’une appropriation du savoir scientifique dans une intention d’augmentation (politique) et non dans celle d’une diminution (sociale) de la puissance humaine.
Mais, plus fondamentalement encore, à quelle ontologie ces questionnements sont-ils susceptibles de s’adosser? Nous chercherons des pistes de résolution partielle des nouveaux problèmes posés par la dualité du corps et de l’esprit au sein de l’ontologie non dogmatique de Gilbert Simondon.

Bibliographie

– Baruch Spinoza, Éthique, trad. Ch. Appuhn, GF-Flammarion, 1965

– Jean-Pierre Changeux, L’Homme neuronal, Paris, Arthème-Fayard, 1983, rééd. Hachette-Littératures

– Jean-Pierre Changeux et Paul Ricœur, La Nature et la règle. Ce qui nous fait penser, Paris, Odile Jacob, 1998

– Antonio R. Damasio, Spinoza avait raison, Paris, Odile Jacob, 2003

– Luc Boltanski et Ève Chiapello, Le Nouvel esprit du capitalisme, Paris, Gallimard, « Essais », 1999

– Catherine Malabou,
. La Chambre du milieu, de Hegel aux neurosciences, Paris, Hermann, 2007
. Les Nouveaux blessés : de Freud à la neurologie, penser les traumatismes contemporains, Paris, Bayard, 2007
. Que faire de notre cerveau ?, Paris, Bayard, 2011
. Avant demain. Épigenèse et rationalité, Paris, PUF, 2014
. Au voleur! Anarchisme et philosophie, Paris, PUF, 2022

– Gilbert Simondon, L’individuation à la lumière des notions de forme et d’information, Grenoble, J. Millon, 2017.