Résumé de la conférence d’Alice Laforêt

Arbres anthropomorphes et corps arborescents. De l’analogie entre corps humain et monde végétal à la construction du discours médical dans les encyclopédies médiévales (XIIIe-XVe siècle)

Alice Laforêt (École Nationale des Chartes)

Résumé

« Derechief les arbres ont aucunes superfluites qui (…) sont ainsi comme ongles et les cheveulx sont en la personne »1, peut-on lire dans le prologue du livre XVII, consacré au monde végétal, du Livre des propriétés des choses, encyclopédie de Barthélemy l’Anglais traduite en français par Jean Corbechon. Les comparaisons et analogies entre la plante, le corps animal et le corps humain irriguent ce texte, qui puise directement dans le De plantis, ouvrage pseudo aristotélicien attribué à Nicolas de Damas.

L’objet de cette communication est de montrer que ces rapprochements entre les règnes permettent de structurer et d’ordonner le discours botanique qui s’élabore dans les encyclopédies médiévales. En effet, si le modèle arborescent est fréquemment, dans les sciences médicales de l’Antiquité grecque et romaine, un outil heuristique et mnémotechnique pour envisager le corps humain et comprendre ses mécanismes, à l’inverse, des caractères zoomorphes et anthropomorphes sont assignés aux essences végétales afin de mieux ordonner les éléments de leur description. La proximité entre corps humain et monde végétal semble particulièrement prégnante pour les arbres, catégorie privilégiée dans la « chaîne des êtres » qui se construit dans les encyclopédies médiévales. Ces analogies morphologiques et fonctionnelles entre l’arbre et l’homme sont fertiles sur le plan médical. Selon le principe de la médecine des signatures, nombreuses sont les substances végétales qui, de par leurs formes, leurs couleurs, leur nom ou certaines de leurs propriétés botaniques, sont préconisées pour guérir les affections des membres et organes du corps humain qui s’y apparentent.

Nous examinerons donc la manière dont corps arborescents et arbres anthropomorphes se répondent dans un corpus de textes encyclopédiques médiévaux – en premier lieu celui de Barthélemy l’Anglais – dans la continuité des sources médicales et botaniques de l’Antiquité, et permettent de structurer le discours médical qui s’y construit. Dans le contexte chrétien qui préside à l’élaboration de ces compilations encyclopédiques, il convient également de s’interroger sur les potentialités symboliques de ces analogies fonctionnelles et morphologiques entre corps humain et monde végétal.