Philosophie des crises contemporaines
Julien Pasteur
Résumé
« Nous savons désormais que les civilisations sont mortelles ». Tel est le constat qu’égrène Paul Valéry dans La crise de l’esprit (1919), alors que l’épisode de la Première Guerre mondiale vient de se clore. Mais le concept de crise, dont l’omniprésence contemporaine nous masque l’histoire, revêt-il véritablement une spécificité moderne ? Les grecs et les latins connaissaient pourtant le mot (krisis/crisis) ; moment d’indécision ou de basculement, il caractérise généralement « la phase grave d’une maladie » – comme le rappelle Littré. Nul ne sait ce qu’il ressort d’une crise, instant paroxystique où se dessine presque toujours en puissance la figure tragique de la mort, de la disparition, mais aussi celle plus féconde et vivante de la rémission, de la régénération, surplus de puissance et de force dont Nietzsche célébrera la (re)naissance. Comment s’articule, pour ceux qu’on appelle les modernes, ces deux dimensions ? Comment mesurer la fragilité du monde sans sombrer dans le désespoir pessimiste de l’impuissance ? Comment maintenir vivant le sens d’une responsabilité (H. Arendt), comme la puissance révolutionnaire et la promesse recelée par chaque évènement au sein de ce qu’on appelle l’histoire (W. Benjamin) ? C’est à ces questions et à leur exploration que ce cours voudrait introduire.
Bibliographie
– H. ARENDT, La crise de la culture, Gallimard / Folio essais.
– W. BENJAMIN, Œuvres III, Gallimard / Folio essais.
– T. ADORNO, Minima Moralia, Payot.
– T. ADORNO & M. HORKEIMER, La dialectique de la raison, Gallimard / Tel.
– P. VALERY, La crise de l’esprit, éd. Manucius.
– C. LASCH, La culture du narcissisme, Flammarion / Champs.
– G. LIPOVETSKY, L’ère du vide, Gallimard / Folio essais.