VHP3U1 : Histoire de la philosophie 2 – Philosophies de l’expérience, L2, S3 (C. Chaffardon)

Philosophies de l’expérience

Clara Chaffardon

Résumé

Ce cours a pour ambition d’interroger la notion d’expérience et les philosophies qui la prennent pour objet. Le concept d’expérience recouvre de multiples significations : processus de déploiement de la conscience au contact du monde, ensemble des connaissances acquis au cours de la vie du fait de ce contact, observation et expérimentation scientifiques. Dans l’histoire de la philosophie, la réflexion sur l’expérience est communément présentée suivant une antithèse entre empirisme et idéalisme. Les empiristes s’emploient à penser le rôle de l’expérience dans la formation de nos croyances et de nos idées. L’expérience est envisagée comme le fondement de nos connaissances, bien que celles-ci puissent, en droit, excéder son champ, et les concepts sont le fruit d’expériences effectives. L’idéalisme, quant à lui, pose le problème de la constitution transcendantale de l’expérience : si notre connaissance commence dans l’expérience, est-ce à dire qu’elle en dérive entièrement ? L’expérience, prise en elle- même, est alors la conséquence de l’élaboration des matériaux de l’impression sensible par l’activité de liaison de l’esprit, elle doit dériver des concepts de l’entendement pur, et les conditions nécessaires qui la rendent possible deviennent donc un problème dont il s’agit de rendre raison.

Ce cours explicitera les positions défendues par ces deux philosophies antithétiques, et en mesurera la fécondité et les limites. Il cherchera à faire droit à la diversité des théories de l’expérience, et croisera plusieurs approches, ontologiques, épistémologiques, et pratiques de ce concept. Il prendra pour fil directeur la question de l’opposition entre expérience et jugement et la tension corrélative entre passivité et activité, l’expérience étant souvent considérée comme essentiellement réceptive, tandis que le jugement est qualifié d’activité créatrice. Le jugement a-t-il un rôle d’accompagnement de l’expérience, ou bien l’élément conceptuel introduit par l’activité de celui-ci est-il la condition nécessaire de l’expérience ? Si empirisme et idéalisme interrogent le rôle de l’expérience dans le processus de connaissance, s’ajoute un second problème, celui de la fonction de l’expérience dans l’activité scientifique. De plus, dans l’optique de dépasser l’opposition traditionnelle de l’idéalisme et de l’empirisme, on se demandera en quoi les conceptions phénoménologiques de l’expérience héritent de l’empirisme tout en modifiant radicalement sa problématique avec l’introduction des notions de vécu intentionnel, d’attitude naturelle et de monde de l’expérience. On distinguera l’entreprise husserlienne de mise au jour des structures universelles et a priori de l’expérience transcendantale de celle de Merleau-Ponty, qui se donne pour tâche de décrire l’expérience immanente et incarnée du sujet de la perception.

Afin de démêler ces différents aspects de la question, le cours commencera par l’étude des textes majeurs des empiristes anglais (Bacon, Locke, Hume) et de Condillac, et se penchera ensuite sur le dépassement kantien de l’empirisme. Il s’efforcera enfin de proposer une autre manière d’aborder le problème de l’expérience, depuis la phénoménologie de Husserl et de Merleau-Ponty d’une part, et depuis le pragmatisme de Dewey et James d’autre part.

Bibliographie

– Locke, Essai philosophique concernant l’entendement humain, livre I et II, Vienne, J.-M. (trad.), Paris, Vrin, 2002. – Hume, Traité de la nature humaine, livre 1, Baranger, P. et Saltel, P. (trad.), Paris, Flammarion,1995. – Condillac, Essai sur l’origine des connaissances humaines, Paris, Vrin, 2014. – Kant, Critique de la raison pure, Pacaud, B. et Tremesaygues, A. (trad.), Paris, PUF, 1944. – Husserl, Idées directrices pour une phénoménologie et une philosophie phénoménologiques pures, tome 1, Paris, Gallimard, 1950. – Dewey, « An Empirical Survey of Empiricism », in The Later Works, 1925-1953, Boyston, J.-A. (éd.), Carbondale, Southern Illinois UP, vol.11 (1935-1937), p.69-83. – Merleau-Ponty, Phénoménologie de la perception, Paris, Gallimard, 1945. – Nagel, T., « Quel effet cela fait-il d’être une chauve-souris ? », Engel, P. (trad.), in Vues de l’esprit, Hoffstadter, D. et Dennett, D. (éd.), Interéditions, 1987, p.397-399. – Perreau, L. (dir.), L’expérience, Paris, Vrin, 2010.

Relevé de citations en vue du premier cours (PDF).