Présentation du Projet Chrysalide 2020 « Les puissances de l’analogie »

Responsable : Carole Widmaier

Présentation du Projet Chrysalide 2020 « Les puissances de l’analogie »

Ce projet vise à fédérer un ensemble de chercheurs voulant réfléchir sur le rôle et la place de l’analogie dans les pratiques scientifiques actuelles.

L’analogie fait depuis quelques années l’objet de réhabilitations fortes, au niveau national comme au niveau international, dans un grand nombre de disciplines universitaires. Ce mouvement infléchit, semble-t-il, des siècles de domination de la méthode démonstrative et de l’exigence d’objectivation du réel dans les principes de la théorie et de l’expérimentation dans la mise en œuvre de la connaissance. Il s’inscrit dans une prise en compte assumée de la part que prend l’imagination dans la connaissance, y compris dans les sciences les plus exactes, et se déploie dans des domaines aussi divers que les mathématiques, l’informatique, la biologie, la médecine, la philosophie, la linguistique, la théorie littéraire, la théologie, la psychanalyse ou les sciences cognitives, faisant sortir l’analogie de l’ornière dans laquelle elle était maintenue, et dont on l’extrayait parfois pour saluer sa puissance poétique de production de correspondances ou, à la limite, sa vertu heuristique (mais en aucun cas déterminante) pour la connaissance.

La revalorisation de l’analogie suppose toujours, dans la diversité de ses domaines d’exercice, de considérer son opérativité et sa dynamique propres dans l’optique d’une compréhension de la dimension inventive de l’imagination. Historiquement, la philosophie de Gilbert Simondon occupe sans conteste une place de pivot, en ce que l’analogie s’y trouve mobilisée, à partir d’une pensée des objets techniques et de leur «mode d’existence», comme méthode permettant d’envisager la similarité apparente des structures de rapports comme identité réelle des structurations non seulement dans le champ de la technique, mais aussi dans ceux de la nature ou du vivant. Ainsi, la prise en compte des analogies matérielles permet à Simondon de fonder une ontologie analogique de l’individuation apte à rendre raison de l’émergence des formes singularisées, sans sombrer dans les travers projectifs et généralisateurs des types d’analogismes antérieurs à l’époque classique de la science et de la philosophie occidentales.

Dans ce sillage simondonien, auquel la plupart des travaux récents font référence de manière plus ou moins appuyée, il s’agit toujours, dans des domaines spécifiques ou parfois dans l’entrecroisement de deux ou trois domaines, de travailler les conditions d’une bonne pratique analogique à partir de la mise au jour d’opérations analogiques qui le plus souvent s’ignorent comme telles. C’est ainsi que les nombreux colloques, articles et ouvrages portant sur l’analogie composent à présent une ressource d’une extrême richesse.

Ce projet de recherche s’ancre sur l’identification d’un manque: celui d’un discours unificateur sur le concept d’analogie comme pratique. Il vise non pas à conférer une unité, qui serait nécessairement artificielle, à tous ces travaux, mais à prendre pour objet le concept même d’analogie, en créant un espace pour faire dialoguer entre elles ces disciplines, et les faire dialoguer avec les disciplines de l’ingénierie, dans l’espoir à cette occasion de proposer des hypothèses sur de nouvelles modalités de délimitation des champs de recherche et, par là, sur la nature et les conditions des transferts légitimes de concepts et de méthodes entre ces champs. Il s’agit donc de se donner les outils pour constituer une ou plusieurs typologies des analogies, réaliser une épistémologie générale de la pratique analogique, et conférer à ces recherches une forte visibilité. C’est à ces fins que ce projet, fondamentalement interdisciplinaire, articule quatre dimensions: un colloque sur la pensée de Simondon (suivi de la publication des actes); un colloque intitulé «Puissances de l’analogie. Perspectives croisées sur l’imagination inventive» (suivi de la publication d’un volume collectif); des conférences, au séminaire du laboratoire Logiques de l’Agir, sur le rôle de l’imagination en sciences naturelles et sociales; une bibliographie complète sur l’analogie sur la plateforme numérique Système d’Information en Philosophie des Sciences (SIPS), avec notices détaillées des travaux principaux et création d’un onglet spécifique.

Programme du colloque « Les puissances de l’analogie »