Axe 3.3 – Humanités numériques

Présentation

En quoi le développement des réseaux informatiques et de l’intelligence numérique conditionne nos connaissances ? Trois enjeux se démarquent dans notre approche épistémologique : comment penser le potentiel cognitif et les enjeux pragmatiques de l’intelligence artificielle ? Quelles sont les rationalités graphiques qui structurent et opèrent dans la boîte noire des machines intelligentes ? Comment penser le système d’information qui détermine les horizons de nos savoirs ?

En réinscrivant les humanités numériques, l’informatique et l’intelligence artificielle dans une histoire plus longue de la technique, elles apparaissent comme des chapitres nouveaux de l’histoire de l’écriture, et donc comme des technologies intellectuelles constitutives de nouvelles manières de penser et d’outiller la pensée. On peut faire l’hypothèse que nous sommes au seuil d’une nouvelle transformation de la raison dans ses catégories de pensée dans la mesure où le support technique d’inscription du savoir, tel qu’il se laisse actuellement analyser à travers une classe d’objets graphiques nommés diagrammes, autorise une autre manière de concevoir l’intelligence artificielle. Cette autre manière ne consiste plus à penser l’intelligence artificielle à partir du calcul et de sa représentation algorithmique. Il consiste à partir de ces machines sémiotiques que sont les systèmes graphiques de type diagrammatique, à la fois modèles de résolutions informelles de problèmes et outils qui nous permettent de mieux agir dans le monde.

Ainsi, poser le problème d’une « raison diagrammatique » dans l’histoire de la raison graphique et dans le contexte des humanités numériques, c’est poser le problème de la nouvelle forme d’encyclopédisme qui nous est contemporaine, où l’écrit opère une reterritorialisation de la main et de l’œil sur le clavier et l’écran. L’approche diagrammatique, à la différence de toute approche de type digital humanities, fonde sa démarche sur des unités discrètes manipulables déjà porteuses de sens, qui constituent une matière sémiotique sur laquelle vont enchaîner les diagrammes comme machines sémiotiques. En tant que machines sémiotiques, les diagrammes sont partiellement calculateurs (c’est leur aspect machine) car porteurs d’un sens qui excède leur dimension calculatoire (c’est leur aspect sémiotique). Le rapport du calcul à la sémiose dans le diagramme étant inversement proportionnel : plus on gagne en puissance calculatoire, plus on perd en sémiose ; et plus on gagne en matière sémiotique porteuse de sens, plus on perd en calculabilité.

Ce qu’il faut comprendre, c’est qu’il n’est pas nécessaire d’avoir recours au numérique pour faire de l’analyse diagrammatique, car ce qui importe, c’est la manipulation, dont l’essence est donnée par la notion de calcul. Dès lors, l’enjeu devient celui de comprendre la différence entre la manipulation diagrammatique et la manipulation algorithmique. Alors que le calcul peut manipuler tout ce qui est discrétisable numériquement, il ne peut pas manipuler ce qui est discrétisé sémiotiquement, car seul le diagramme peut le faire, dès lors qu’il est manipulé par cet animal sémiotique qu’est l’homme.