VN21E31 : Culture et croyance. Perspectives philosophique, psychologique et sociologique, L1, S1 (C. Widmaier)

Perspective philosophique

Par-delà nature et culture

Carole Widmaier

Résumé

On sait, ou on croit savoir, que les cultures dans leur diversité sont structurées par une diversité de croyances, et qu’il est impossible et immoral de juger de la valeur respective des cultures au nom de la valeur respective des croyances qui les structurent. C’est ainsi que le sens commun s’est approprié, avec plus ou moins de réussite, la méthode structuraliste et le relativisme culturel défendus par l’anthropologue Claude Lévi-Strauss. Cette vision commune de la diversité des cultures se fonde sur l’idée, parfois affirmée, parfois seulement sous-entendue, en général assez éloignée de la vraie pensée de Lévi-Strauss, d’une nature qui, elle, serait en revanche objective et immuable.

Nous proposons dans ce cours de pousser la méthode structuraliste et le relativisme culturel encore plus loin, en mettant en question le « grand partage » entre nature et culture qui légitime en dernier recours cette vision. Nous prendrons appui pour cela sur l’ouvrage de Philippe Descola, Par-delà nature et culture, et sur son étude ethnologique du peuple Achuar d’Amazonie, afin de montrer :

– que la distinction fondamentale entre nature et culture est le propre de la culture occidentale ;

– que les différentes cultures relèvent non seulement de systèmes de croyances qui leur sont propres, mais bien d’ontologies (pensées de la structure même de l’être) qui leur sont spécifiques ; c’est ainsi que Descola en distingue quatre grandes formes : le naturalisme, l’animisme, le totémisme et l’analogisme ;

– qu’une telle approche permet d’envisager la visée d’un universel qui, selon la formule de Descola, sera cependant « relatif » ;

– comment celle-ci nous conduit à modifier, voire à réformer notre rapport à la nature, c’est-à-dire aussi bien au monde qu’il s’agit de protéger qu’aux animaux dont nous avons toujours, nous, occidentaux, voulu nous différencier « par nature ».

Mais ce travail supposera de nous plonger dans les théories philosophiques dominantes de la tradition occidentale, et d’étudier les manières dont elles ont conduit à objectiver la nature et à introduire une différence ontologique entre l’homme et l’animal.

Références bibliographiques (les textes à lire en priorité sont en gras) :

– René Descartes, Discours de la méthode, GF, 2000

– Jean-Jacques Rousseau, Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes, GF, 2011

– Claude Lévi-Strauss, Le Cru et le cuit, Plon, 1964

Les Structures élémentaires de la parenté, Préface, Mouton de Gruyter, 1981

Race et histoire, Gallimard, Folio, 1987

– Philippe Descola, Les Lances du crépuscule : relations Jivaros. Haute-Amazonie, Plon, 1993

  • Par-delà nature et culture, Gallimard, 2005 (Folio, 2016)
  • La Composition des mondes. Entretiens avec Pierre Charbonnier, Flammarion, 2014

– Pierre Charbonnier, La Fin d’un grand partage, CNRS Éditions, 2015

Webographie :

Voir et/ou entendre les conférences de Philippe Descola au Collège de France.