La personne à la lumière de la cérébralité du psychisme : la troisième voie entre réductionnisme et anti-réductionnisme
Carole Widmaier
Résumé
Nous étudierons les manières dont les représentations de la nature humaine se trouvent modifiées par ce que l’on peut appeler la découverte de la cérébralité du psychisme. Quelles formes l’identité entre processus cérébraux et activités psychiques doit-elle prendre ? Comment repenser à cette lumière les rapports entre le corps et l’esprit ? Quelles représentations l’homme peut-il se faire de son identité ? Quelles sont les types d’analogies autorisées entre deux approches de l’homme et de sa puissance à première vue hétérogènes ? Il conviendra d’éviter deux écueils majeurs : celui du réductionnisme scientifique, incarné notamment par Jean-Pierre Changeux, qui conduit à lire les formes humaines de l’activité comme de simples expressions de phénomènes exclusivement matériels et à affirmer la possibilité d’une naturalisation absolue des processus mentaux, et celui de l’anti-réductionnisme, sous la figure de Paul Ricœur, qui vise à sauver l’humanité, essentiellement dans sa dimension éthique, de la domination du discours scientifique, par l’affirmation de la transcendantalité de la pensée. Il conviendra alors d’envisager une troisième voie, exemplairement empruntée par Catherine Malabou qui, faisant du concept de plasticité l’occasion d’un renouvellement de la vision que l’homme a de lui-même, tire de cette décision philosophique des implications épistémologiques, éthiques et politiques. Cette voie, celle d’un « matérialisme raisonnable », nous permettra d’interroger les conditions d’une appropriation du savoir scientifique dans une intention d’augmentation (politique) et non dans celle d’une diminution (sociale) de la puissance humaine.
Finalement, nous chercherons des pistes de résolution partielle des nouveaux problèmes posés par la dualité du corps et de l’esprit au sein de l’ontologie non dogmatique de Simondon.
Bibliographie
– Baruch Spinoza, Éthique, trad. Ch. Appuhn, GF-Flammarion, 1965
– Jean-Pierre Changeux, L’Homme neuronal, Paris, Arthème-Fayard, 1983, rééd. Hachette-Littératures
– Luc Boltanski et Ève Chiapello, Le Nouvel esprit du capitalisme, Paris, Gallimard, « Essais », 1999
– Jean-Pierre Changeux et Paul Ricœur, La Nature et la règle. Ce qui nous fait penser, Paris, Odile Jacob, 1998
– Catherine Malabou,
.La Chambre du milieu, de Hegel aux neurosciences, Paris, Hermann, 2007
.Les Nouveaux blessés : de Freud à la neurologie, penser les traumatismes contemporains, Paris, Bayard, 2007
.Que faire de notre cerveau ?, Paris, Bayard, 2011
– Gilbert Simondon, L’individuation à la lumière des notions de forme et d’information, Grenoble, J. Millon, 2017.