Conférence d’Arilès Remaki mercredi 21 février 2024

Le laboratoire Logiques de l’Agir a le plaisir de vous convier à son séminaire le mercredi 21 février 2024 à 18h00 à l’UFR SLHS de l’université de Franche-Comté en salle E14 (Grand Salon), entrée par le 18 rue Chifflet, 25000 Besançon. Nous recevrons Arilès Remaki, qui présentera une conférence intitulée :

Leibniz et le Yi-Jing — un regard mathématique sur les tables

Résumé

À la frontière entre le XVII^e et le XVIII^e siècle, Leibniz est en contact avec de nombreux missionnaires jésuites, proche de l’Empereur de Chine. Les enjeux de ces échanges sont principalement diplomatiques et géopolitiques : fournir des informations, et des savoir-faire à la Chine pour en obtenir, en retour. Les mathématiques n’y font pas exception, lorsque le père Bouvet, jésuite résidant en Chine, découvre une correspondance entre une table chinoise et le calcul binaire que Leibniz avait décrit dans une de ses lettres. Leibniz publie alors un article dans le journal des sçavans au sujet de cette découverte. 

La table chinoise est liée au Yi-Jing, texte divinatoire de la tradition classique chinoise. L’interprétation de cette table comme table numérique est donc un artefact produit par Bouvet et par Leibniz. De fait, la structure tabulaire porte en elle une ambiguïté irréductible qui provient de la possibilité dont dispose le lecteur d’y projeter une grande variété de rapports matériels et cognitifs entretenus entre les trois éléments de la triade sémiologique de Peirce : l’objet, l’interprète et le signe. Ainsi, la table peut être vue comme le produit d’une série d’opérations ou comme un support de stockage pour diverses informations. Interpréter les signes de cette table comme des nombres implique de reconstruire tout un corpus de connaissance arithmétique extra-textuel : comment manipuler, opérer sur ces nombres. Mais est-il possible de produire une interprétation « neutre » de cette table ? 

Le corpus qui soutient notre analyse ne se limite pas à l’interprétation de Bouvet et de Leibniz décrite dans l’article du journal des sçavans. Quelques années plus tard, les acteurs de l’époque, dont Leibniz et Bouvet eux-mêmes, s’emparent de ces questions liées à l’interprétation d’une table et posent le problème de l’ambiguïté inhérente aux structures diagrammatiques des tables numériques. Par ailleurs, l’histoire de cette table chinoise est aujourd’hui bien mieux comprise et l’interprétation mathématisante de Bouvet n’est pas la première, et peut s’inscrire dans une histoire plus large. 

Arilès Remaki est chargé de recherche contractuel dans le cadre du projet ERC Philiumm, hébergé par le CNRS au sein du laboratoire Sphere (UMR 7219)