Le temps social
Laurent Perreau
RésuméDans l’histoire de la philosophie, la réflexion sur la nature du temps a souvent été conduite en privilégiant deux approches majeures. Une première approche considère la réalité physique, matérielle ou cosmologique du temps : de Platon à Einstein en passant par Galilée et Newton, le temps appartient à l’ordre naturel des choses, il est objectif, mesuré et devient lui-même mesure de toute chose. Une autre approche consiste à faire droit au point de vue de la conscience individuelle : de Saint Augustin à Bergson en passant par Kant, Husserl ou encore Heidegger, c’est alors l’expérience subjective du temps qu’il s’agit de penser.
Or ces approches présentent l’inconvénient de négliger la dimension proprement sociale du rapport au temps, quand celle-ci n’est pas tout simplement niée. S’efforcer de penser la dimension sociale du temps, c’est donc envisager une troisième approche, où le temps n’est pas une donnée naturelle, ni un pur vécu, mais le produit complexe d’un ensemble de relations, d’interactions et d’institutions. Une première ligne d’investigation, d’ordre ontologique, s’attache ainsi à montrer que le temps est un produit de la vie sociale : il est constitué par ce que les agents font, par les relations qu’ils entretiennent les uns avec les autres. Mais il faut aussi, en retour, envisager une autre ligne d’investigation, où il s’agit de montrer comment les contextes sociaux, les relations sociales sont eux-mêmes produits, transformés, par le temps. En ce sens, le temps social ne se confond pas avec l’histoire, il est irréductible aux rythmes sociaux : il s’agit de comprendre comment des conceptions du temps, des pratiques, des constructions ou des dispositifs temporels déterminent la vie sociale et comment celle-ci, en retour, peut user du temps.
Sous cette perspective, ce cours cherchera à faire droit à la diversité des approches philosophiques et sociologiques du temps social. Il s’agira, en particulier, d’interroger les limites de la philosophie traditionnelle et de montrer quels peuvent être les apports et les bénéfices des analyses et de la réflexion sociologiques.
La validation du cours s’opère sous la forme d’un contrôle continu intégral et par la remise d’un mini-mémoire. Le sujet de ce dernier sera déterminé en accord avec l’enseignant.
Indications bibliographiques cours n° 2 – Abbott A., Time Matters: On Theory and Method, Chicago, University of Chicago Press, 2001. – Adam B., Time and Social Theory, Polity Press, 1990. – Adam B., Timewatch : The Social Analysis of Time, Cambridge, Polity Press, 1995. – Aubert N., Le culte de l’urgence : La société malade du temps, Paris, Champs Essais, 2018. – Elias N., Du temps, Paris, Fayard/pluriel, 1996. – Gell A., The anthropology of time. Cultural Constructions of Temporal Maps and Images, Berg Publishers, 1996. – Harmut R., Accélération. Une critique sociale du temps, Paris, La découverte, 2013. – Harmut R., Aliénation et accélération, Paris, La découverte, 2014. – Hirsch T., Le temps des sociétés, Paris, EHESS éditions, 2016. – Osborne P., The Politics of Time, New York, Verso, 1996. – Sue R., « Du temps social aux temps sociaux », Rhuthmos, 14 janvier 2014 [en ligne : http://rhuthmos.eu/spip.php?article1074]. – Tabboni S., Les temps sociaux, Paris, Armand Colin, coll. « Cursus / sociologie », 2006.