Soigner la terre, matrice des plantes. Rôle et place du savoir gynécologique au livre II
du traité agronomique de Columelle, De re rustica
Marine Bretin-Chabrol (HiSoMA-Lyon 3)
RésuméFace au constat de la médiocrité de la production agricole contemporaine, Columelle rejette, dans les préfaces des livres I et II, l’explication selon laquelle la baisse de la fécondité de la terre est due à la progression d’un cycle naturel de vieillissement comparable à celui d’une femme ménopausée (Rust. I, praef. 1-3 ; II, praef. 1-2), afin de pouvoir accuser l’incurie et l’incompétence de ses contemporains. Pour autant, le modèle d’explication gynécologique n’est pas rejeté en lui-même. Désireux d’ériger l’agronomie au rang d’une ars, un savoir technique, scientifiquement fondé, qui se peut enseigner, Columelle emprunte en effet à la médecine des femmes un vocabulaire, des techniques et les éléments d’une physiologie. Son objectif étant de soigner une terre qui n’est pas stérile, mais simplement malade, afin de rétablir sa fécondité, il est pertinent de s’interroger sur la précision de ses connaissances en matière de théories gynécologiques et sur les modalités de leur utilisation dans le texte. Ce faisant, l’agronome romain effectue un parcours intellectuel inverse à celui qui est mené par différents auteurs anciens pour lesquels c’est au contraire la pousse de la plante et son interaction avec la terre qui fournissent le modèle à la réflexion théorique sur la croissance du foetus ou l’alimentation du nourrisson, comme l’auteur du traité hippocratique De la nature de l’enfant, Aristote dans la Génération des animaux, Favorinus d’Arles dans un discours rapporté par Aulu-Gelle ou Soranos d’Ephèse, dans les Maladies des femmes.