Argument du colloque « Analogies et modèles végétaux en médecine » (17-18 octobre 2019)

Analogies et modèles végétaux en médecine dans l’antiquité et l’âge classique

Colloque international de Besançon 17 et 18 octobre 2019
 

Projet PHUTAM

 

Le projet PHUTAM est consacré à l’étude des diverses manières dont les savoirs et les pratiques associées aux plantes ont nourri et nourrissent, à travers la diversité des époques et des cultures, un vaste ensemble des représentations et des sciences, de la cosmologie à la médecine en passant par les arts, la religion ou la psychologie. Les sciences médicales offrent un intérêt particulier pour cette étude, parce que, d’une part, elles s’appuient sur des savoirs et des pratiques prenant directement pour objet les plantes, qui leur offrent des connaissances et des pratiques alimentaires, pharmaceutiques ou cosmétiques utiles à la thérapeutique ; d’autre part, parce que la connaissance des plantes leur a fourni des modèles, des analogies, des schèmes, des méthodes permettant d’opérer des transferts épistémiques. Les sciences médicales sont ainsi, à travers leur histoire, un terrain particulièrement significatif pour interroger la façon dont les connaissances et les pratiques relevant de la botanique et de l’herboristerie ont pu être source d’intuitions pour une compréhension plus générale des phénomènes biologiques relatifs à la santé. Il s’agit de repérer, décrire et analyser ces contributions et transferts pour interroger le phénomène de la vie à partir des échanges matériels et épistémiques des humains avec les plantes. Le projet se développe selon une double perspective historique et épistémique en retraçant et analysant les transformations d’usages, objets, concepts, schèmes ou méthodes sur le long terme.

D’un point de vue historique, le projet confère une large place à l’examen du prisme végétal à partir de cultures non-modernes, où ces usages analogiques ont été particulièrement fertiles. Comprendre comment dès le départ le savoir des plantes a nourri les pratiques médicales et thérapeutiques permet de corriger une myopie historiographique, sans doute due à la prééminence du modèle mécanique et animal à l’époque moderne. Un premier chantier, mené en collaboration avec l’Université de Chicago et le Centre Jean Pépin UMR 8230 / Labex Hastec (voir le projet phusis kai phuta) a permis de commencer à mettre en évidence l’importance et la diversité des analogies végétales au sein des savoirs de la Grèce archaïque : les plantes et leur mode d’être semblent en effet y avoir nourri la représentation du corps, de l’âme, de la cité ou de l’univers. L’histoire de la médecine ancienne est ainsi marquée par le fait que le tout premier traité d’embryologie, le traité De la nature de l’enfant, au sein de la collection hippocratique, est aussi le plus ancien traité de botanique qui nous soit parvenu, car il s’appuie sur l’identité du mode de croissance de l’embryon et de l’arbre. Le débat sur la question de savoir si l’embryon est une plante ou un animal traverse ainsi toute l’antiquité. Il se prolonge et se transforme à la renaissance, d’une part, à travers le travail éditorial sur les traités médicaux antiques et la réactualisation des traditions néoplatonicienne, stoïcienne, hippocratique, galénique ou aristotélicienne en médecine, et, d’autre part, à cause des découvertes liées à l’anatomie, au microscope et aux conceptions circulatoires de la vie.

D’un point de vue épistémique, se pose la question de savoir ce qui relie et distingue la vie des plantes et celle des humains. Cette interrogation se cristallise tout particulièrement sur le problème de la génération, qui se configure à travers deux objets privilégiés : l’embryon et le genre. La vie originaire de l’embryon est-elle végétative, ou implique-t-elle déjà une différence de nature ou de degré ? En quoi le modèle végétal permet-il de penser la complémentarité ou la distinction des genres masculin et féminin dans la génération ? De manière générale, utiliser le prisme végétal pour comprendre la vie modifie en profondeur les représentations et les usages. A quel point l’intuition végétale a-t-elle été mise en œuvre par les médecins ? Quels phénomènes leur a-t-elle permis d’expliquer ? Quelles sont les conséquences théoriques et pratiques liées à l’usage de ces schèmes végétaux ? Peut-on établir un lien entre le type d’analogies mises en œuvre et l’état des connaissances botaniques de l’époque ? A quels modèles alternatifs (mécanique, minéral, animal, cosmique) s’articule le modèle végétal ?

Il s’agira d’examiner la diversité des façons dont les plantes ont pu irriguer les savoirs médicaux dans l’Antiquité grecque et romaine et les prolongements ou transformations de ces transferts de concepts, modèles et analogies à travers le Moyen-Âge et la Renaissance, jusqu’à l’Âge classique. La double perspective historique et épistémique permet de préciser les relations ontologiques et épistémiques entre plantes et corps vivants, entre botanique et médecine.

Programme du colloque