Séance doctorale n° 4 en ligne: Sabine Jobez et Fabien Ferri, 4 novembre 2020

Le laboratoire Logiques de l’Agir a le plaisir de vous convier à la quatrième séance doctorale de son séminaire le mercredi 4 novembre 2020 de 18h00 à 20h00. 

Interviendront Sabine Jobez et Fabien Ferri.

Sabine Jobez : Les transformations du consentement dans la médecine génomique.

Résumé

Mon doctorat porte sur les transformations du soin par la médecine génomique, et dans ce cadre, je propose de centrer mon intervention sur les transformations du consentement, que j’envisage comme le pivot éthique du soin. Le consentement écrit, libre et éclairé a été présenté dès les débuts de la bioéthique comme une condition nécessaire pour respecter le principe d’autonomie du patient. Or, dans le cadre de la médecine génomique, les innovations scientifiques et technologiques créent de nouvelles situations dans lesquelles le patient est amené à donner son consentement. Ces situations se caractérisent par leur complexité croissante dans le sens où elles mettent en jeu des connaissances scientifiques, des technologies, des acteurs, et des organisations de plus en plus nombreuses. Si bien que le consentement s’en trouve lui-même transformé. Dans la littérature sur les transformations du consentement, deux conceptions s’affrontent : celle d’un exceptionnalisme génétique qui identifie un changement de paradigme complet des catégories classiques du soin ; celle d’une continuité selon laquelle la génomique n’instaure pas de rupture radicale mais fait évoluer certains paramètres sans remettre en cause les fondements du soin. Qu’en est-il du point de vue des patients ? Ont-ils conscience de se trouver face à une nouveauté ? L’intervention propose de présenter et d’analyser les premiers résultats d’une enquête de terrain en cours auprès de patients du centre génétique de Dijon.

Fabien Ferri : La diagrammatologie comme phénoménologie de la connaissance pratique.

Résumé

La radicalisation des pratiques de formalisation au début du 20e siècle a conduit, avec la construction de l’axiomatique formelle, à l’objectivation du raisonnement mathématique dans la théorie de la démonstration. L’arithmétisation du raisonnement, qui s’est achevée dans la production du théorème de limitation de Gödel (Gödel, 1931) et a mis en échec le programme formaliste de Hilbert, a par ailleurs ouvert la voie à la découverte des fonctions récursives et à l’idée d’algorithme. La systématisation de cette idée, à travers la construction du modèle de Turing (Turing, 1936), a quant à elle permis d’opérer la mécanisation du raisonnement dans sa dimension formelle, ce qui a conduit à la construction des premiers calculateurs universels : les ordinateurs.

Une preuve mathématique, pour devenir effective, doit pouvoir être obtenue constructivement au terme de l’exécution d’un algorithme. Mais l’algorithme ne devient preuve d’un raisonnement que dès lors qu’il est mis en récit. Le diagramme ne correspond pas à la mise en récit du calcul, mais à la mise en œuvre opérationnelle d’un faire, qui supplémente l’effectivité calculatoire d’une effectivité opérationnelle. Le diagramme suggère et commande par sa machinerie sémiotique un pas opératoire qui n’est pas réductible à un pas de calcul, même si on ne comprend pas d’emblée ce qu’on fait avec un diagramme. C’est pourquoi il faut aussi le doubler d’un récit, c’est-à-dire d’un raisonnement. Car le diagramme est un « outil cognitif » (Giardino, 2018) qui permet à la pensée de s’opérationnaliser en faire et d’appréhender la production de la nature matérielle, dans la mesure où il traduit dans la matérialité sémiotique la matérialité physique du support technique d’inscription et la matérialité organique de la vie opérante qui s’en saisit.

À travers l’analyse d’un exemple historique, la diagrammatisation de la syllogistique, j’illustrerai dans un premier temps la thèse selon laquelle un diagramme est une machine sémiotique. Ensuite je présenterai un programme métaphysique de recherche – la diagrammatologie – dans lequel s’inscrit la pensée diagrammatique entendue comme pensée de la machinerie sémiotique. Je montrerai enfin que cela permet d’identifier une nouvelle discipline – l’ingénierie des systèmes diagrammatiques – qu’on peut munir d’une méthodologie scientifique issue de l’informatique symbolique (Newell, 1980) et d’une réflexivité philosophique issue de la théorie du support, théorie de la connaissance selon laquelle toute connaissance correspond à l’interprétation d’une inscription dans un support matériel (Bachimont, 2004). Cela permettra de légitimer le développement d’un nouveau programme de recherche en intelligence artificielle, au croisement des sciences de la nature et des sciences de la culture, dont la vocation est de s’accomplir comme phénoménologie de la connaissance pratique dans laquelle les diagrammes se présentent comme des « outils cognitifs » nous donnant accès à des connaissances pratiques qui nous réconcilient avec la familiarité du monde.